Cette jeune verviétoise nourrit d’étranges tendresses envers les insectes, les foetus, le monde du laboratoire. Dans des oeuvres qui sont de parfaites miniatures, elle peint l’insecte royal (abeille, fourmi) dans sa loge particulière où s’entasse la ponte. Les foetus ont de quoi vous faire renoncer à toute procréation. Avec une patience d’enlumineur, elle réussit un travail précieux, précis et extrêmement soigné mais quel monde inquiétant.
A regarder ses tableaux, on se dit qu'elle doit avoir de la soie au bout des doigts et que son travail est semblable à celui d'une épeire plus assoiffée de rosée qu'affamée de proies.
D'abord, il y a le décor, ce fond tout en géométrie précieuse, cette espèce d'écrin aux couleurs de velours sauvage où elle épinglera sa très impressionnante collection de visions.
Car c'est à peine croyable, à son âge d'avoir cette patience d'entomologiste, cette acuité de chat et d'allier à la noire rhétorique de son trait une telle philosophie de l'inquiétude. Il ne faudrait pas se tromper, cette omniprésence de l'insecte, du reptile, de la vie foetale et monstrueuse ne répond nullement à un quelconque besoin de provocation; elle est, à coup sûr, un questionnement, la quête de l'image tératologique de notre origine.
Image. Imago. Cela veut dire la forme définitive de l'insecte. Cela signifie aussi, en psychanalyse, l'image parentale désexualisée et idéalisée que l'enfant fait de ses parents.
Dans ses peintures, Francine Zeyen est comme la reine-mère, nue et chauve, qui accouche et nourrit notre peur ancestrale des tarentules tentaculaires. Elle remonte aux sources mêmes de l'eau. l'homme, à travers ses nombreuses métamorphoses (oeuf, cellules divisées, jumelles, têtard inconscient, larve lécheuse, nymphe suceuse...) n'aurait-il, ici, la nostalgie de la splendide simplicité, de la grave architecture et de la solennelle brillance du premier insecte?
Nous, écraseurs de vermines, broyeurs de serpents ou chasseurs de lézards, n'accomplissons-nous pas ces actions afin d'oublier de détruire à jamais l'icône de nos origines insignifiantes?
C'est pour cela que Francine Zeyen se plaît à nous invertébrer au coeur de ses couleurs. Elle est peut-être Lilith, la Pure, celle que l'on a reniée ou Phénix qui meurt à chaque éclosion pour renaître des coquilles incendiées. Elle est, en tout cas, celle qui s'efface, tel un fantôme pour mieux exalter l'incestueux insecte qu'elle a créé et qui l'emprisonnera entre ses mandibules, qui laissera une trace d'aiguillon ou de dard, un peu de rouge venin sur sa peau de vélin.
Francine Zeyen, c'est cela, la chrysalide qui n'attend plus que l'heure d'ouvrir ses longues ailes de gel afin d'emporter le voyeur au plus près du soleil.