Francine Zeyen

ARCHES GALLERY

Liège, novembre / décembre 2003

acrylique sur carton toilé - 17 x 12 cm

On pourrait tout d’abord se persuader que le décor n’a pas changé, que ce sont seulement les premiers givres qui ont endormi les paysages. Et ce serait plus confortable car l’on sait combien l’œil craint toujours les nouvelles visions. Mais, très vite, l’étrange lumière qui baigne les feuilles nous tient en sourde angoisse. On sait seulement que ce n’est pas le plein jour. Mais on ignore si c’est l’aube ou le crépuscule qui nous accueille. Nos pas se font prudents.

Ils comprennent qu’ils ne s’agit ni de givre, ni de paysages, mais bien de vies conservées dans la glace. Comme si le temps s’était arrêté et qu’il ne voulait pas encore repartir. Le glacier semble invulnérable. Pourtant, le moindre souffle nous prouve qu’il est plus mince qu’une feuille d’or. Alors, on s’avance, à pas lents, on arrête son cœur et on retient ses yeux…

L’eau est ici tellement claire qu’elle révèle même les miasmes de nos vies. Et l’on découvre que l’être humain n’est pas que de chair et de sang. Mais aussi de plumes, d’insectes, de rampants et d’oiseaux. Mais aussi de terre, de sable, de gravats anonymes.

Etre d’écorchures, de petites plaies, d’angoisses béantes mais qui ne saignent pas. De cris muets. Etre perpétuellement inquiet qui griffe la lumière comme pour appeler l’orage. Serait-on bienheureux qu’il conviendrait d’invoquer, d’implorer même les maladies comme pour nous persuader que le bonheur n’appartient qu’à l’innocence et que l’au-delà appartenant aux chimères, il ne nous reste plus qu’à rêver aux cauchemars.

Homme que le sang a vu naître et que la poussière ne regardera même pas pourrir, il t’importe surtout de ne pas te voir vieillir.

Alors, ici, toujours marmoréenne, la même figure, le même visage qu’aucune ride ne ride. Et qui est patiente gardienne, implacable vigie, immortel regard posé sur ces vies recouvertes d’effroi.

Le portrait de Dorian Gray subissait les outrages de la décomposition. Ceux de Francine Zeyen vont à contre-courant, au point même que l’on se demande si un diable désespéré de n’avoir pu acquérir ces secrètes alchimies, ne s’est pas mis, entre les cornes, l’idée d’une nouvelle Faustine.

Joseph  Orban, le 27 octobre 2003