Francine Zeyen

ARETS GALLERIES

Bruxelles, septembre / octobre 2006

UNE PEINTURE SILENCIEUSE

acrylique sur papier / 15,5 x 25,5 cm

Si ma mémoire est bonne, c’est la première fois que Francine Zeyen retrouve Bruxelles dans ce siècle. Ce n’est pas un défaut. De toute manière, ses techniques exigent longueur de temps et infinité de patience. C’est donc l’occasion de prendre le temps pour s’attarder un peu, ou même plus longuement, avant de se laisser entraîner lentement dans son univers de calmes inquiétants et de muettes inquiétudes.

Le temps, justement. On dirait que celui-ci s’est arrêté un jour d’été d’à peine vingt printemps et qu’encres, couleurs, vernis et matières diverses se sont peu à peu déposés comme pour protéger le visage des rides, du sillon des saisons qui passent inexorablement. On pourrait, à première vue, dire qu’il y a « quelque chose de Dorian Gray » dans cette démarche artistique, mais ce serait faire fausse route ou penser que Francine Zeyen ne maîtrise pas ou bien nie ce temps. Il y a toujours un détail, amibien ou fossile, larvaire ou embryonnaire pour nous dire que l’œil de l’artiste s’est ouvert alors que la première nuit n’était pas encore tombée sur nos terres.

L’œil, justement. Sa permanence dans cette œuvre a quelque chose d’aveuglant. Très souvent superbe, mais de plus en plus fréquemment malade et provoquant comme un malaise quelque peu coupable dans nos sociétés de voyeurisme canalisé qui aimerait que, dans nos tombes, l’œil ne soit plus à regarder Caïn, mais à mirer d’utopiques bonheurs faciles et légers.

Coquillages qu’une main éloigne, fœtus qu’une autre repousse, apparaissent aujourd’hui d’énigmatiques créatures, poupées de cris, poupées de sons qui, sous leur corps de cire ou leur visage de porcelaine, laisse suinter miasmes et viscères qui sont autant de fantômes secrets d’une enfance dont il ne resterait que quelques traces d’or. Comme si le temps, justement, et l’œil, justement, après tant et tant d’années muettes, se mettait à oser balbutier les bribes du « jamais-dit », les lallations du « toujours-tu ». Jadis, les maîtres d’école imposaient aux enfants des exercices de lecture silencieuse. Cela était bien souvent prétexte à une méritoire pause dans leur métier bien harassant. Francine Zeyen ne nous impose rien. Elle nous convie à la peinture silencieuse d’un inavouable encore enfoui mais qui, très peu à très peu, se fissure et s’entrouvre…

Joseph Orban, Liège. Un jour d’été sans trop de pluie